L’autre scénario. Conclusion

22 juin 2020

Temps de lecture : 5 minutes

Début de siècle, nouvelle voie

La France n’a pas dit son dernier mot. L’Eu­rope peut encore éton­ner le monde. Mal­gré l’ef­face­ment de notre con­ti­nent et le recul de notre pays, en dépit de l’im­puis­sance des poli­tiques et de la dom­i­na­tion des idées fauss­es, il n’y a pas de fatal­ité à la régres­sion de la France et de l’Eu­rope. En ce début du vingt et unième siè­cle, notre nation, comme notre civil­i­sa­tion, peut repren­dre sa place dans le monde. Pour peu que nos dirigeants renouent avec les ver­tus du poli­tique, que notre peu­ple retrou­ve force et puis­sance, il est pos­si­ble de créer une nou­velle dynamique économique et sociale et de rétablir l’har­monie au sein de notre com­mu­nauté nationale. Il est pos­si­ble de faire de la France la pre­mière puis­sance en Europe et de l’Eu­rope la pre­mière puis­sance dans le monde.

Cer­tains me fer­ont remar­quer que de telles per­spec­tives ne répon­dent nulle­ment aux préoc­cu­pa­tions des Français d’au­jour­d’hui. Nos com­pa­tri­otes, me dit-on, ne s’in­téressent pas aux per­for­mances de l’é­conomie européenne par rap­port à celles de la Chine ou des États-Unis. Peu leur impor­tent les suc­cès des entre­pris­es ou des savants français et européens. Ils sont indif­férents à l’idée d’une alliance mil­i­taire européenne crédi­ble à l’échelle de la planète. Quant à la posi­tion de l’eu­ro face au dol­lar, c’est le cadet de leurs soucis. À vrai dire, la puis­sance de leur pays ou de leur con­ti­nent ne cor­re­spond à aucune de leurs aspirations.

En effet, ce qui les intéresse avant tout, ce sont les ques­tions qui con­cer­nent leur vie quo­ti­di­enne. Trou­ver un emploi pour ceux qui sont au chô­mage, boucler leurs fins de mois pour ceux qui frô­lent le seuil de pau­vreté, faire pré­val­oir leurs droits, éviter d’être cam­bri­olés ou agressés, acquérir un loge­ment, voilà les vrais prob­lèmes aux­quels ils sont con­fron­tés. On est donc loin des enjeux géopoli­tiques et du choc des civilisations.

Je ne suis pas cer­tain qu’une vision aus­si réduc­trice de l’é­tat d’e­sprit des Français cor­re­sponde à la réal­ité pro­fonde de notre peu­ple. Mais il est exact qu’elle reflète ce que les médias nous en mon­trent, comme on a pu le con­stater de façon car­i­cat­u­rale à l’oc­ca­sion du débat télévisé entre le prési­dent de la République et un pan­el de jeunes gens lors de la cam­pagne pour le référen­dum sur la con­sti­tu­tion européenne. M. Chirac voulait évo­quer quelques ques­tions d’or­dre insti­tu­tion­nel, mais il était sys­té­ma­tique­ment ramené aux prob­lèmes per­son­nels de ses inter­locu­teurs : « Que pou­vez-vous faire pour que j’ob­ti­enne un emploi ? », « Com­ment amélior­er mes débouchés en fin d’é­tudes ? », « Je suis au SMIC, com­ment m’aider à mieux vivre ? » Et les poli­tiques, comme le prési­dent ce soir-là, de répon­dre con­crète­ment à ces ques­tions con­crètes au point que leurs dis­cours comme leurs pro­grammes et leurs actions se lim­i­tent désor­mais à for­muler des répons­es ponctuelles à des prob­lèmes ponctuels.

Je suis con­va­in­cu qu’il s’ag­it là d’une pro­fonde erreur qui aggrave encore le dépérisse­ment du poli­tique et l’im­puis­sance des dirigeants. Car la mis­sion des gou­ver­nants ne con­siste pas à apporter des solu­tions directes aux dif­fi­cultés indi­vidu­elles des per­son­nes, mais à s’at­ta­quer aux phénomènes qui les provo­quent, c’est-à-dire à résoudre les prob­lèmes du pays. En refu­sant d’af­fron­ter cette réal­ité, ils se com­por­tent comme ce médecin qui nég­lige délibéré­ment les caus­es du mal dont se plaint son patient. Il soigne donc ses céphalées puisque l’in­téressé demande à être soulagé de ses maux de tête et ignore l’hy­per­ten­sion qui en est pour­tant à l’origine.

Il en va de même à l’échelle de la nation. Car si nos com­pa­tri­otes ren­con­trent pour beau­coup de graves dif­fi­cultés per­son­nelles, c’est avant tout parce que les cadres tra­di­tion­nels de notre société se sont affais­sés et que les insti­tu­tions ne rem­plis­sent plus leur rôle. S’il y a du chô­mage, c’est parce que la France ne se donne pas les moyens de relever le défi de la com­péti­tion économique inter­na­tionale et parce que l’Eu­rope ne se com­porte pas en puis­sance pour défendre ses intérêts. Si l’im­mi­gra­tion sub­merge notre pays, c’est parce que notre nation refuse de pren­dre en compte la réal­ité du choc des civil­i­sa­tions. Si la délin­quance et la vio­lence se généralisent, c’est parce que la république ne fait plus respecter avec autorité un corps de valeurs min­i­mum. Si les Français sont moros­es et rechig­nent de plus en plus à s’in­ve­stir dans leur tra­vail, c’est parce qu’il n’y a plus per­son­ne au som­met de l’É­tat pour ouvrir des per­spec­tives, fix­er des objec­tifs col­lec­tifs et mobilis­er leur énergie.

Si les Français sem­blent ne plus se préoc­cu­per que de leur vie per­son­nelle, c’est aus­si parce que leur univers a per­du sa dimen­sion com­mu­nau­taire et nationale. Il y a encore quelques décen­nies, nos com­pa­tri­otes étaient certes des per­son­nes indi­vidu­elles avec tous les prob­lèmes liés à leurs con­di­tions de vie, mais ils étaient aus­si les mem­bres d’une nation qui exis­tait et pesait dans le monde. Ils se sen­taient donc con­cernés par le sort de leur armée, par les suc­cès de leurs savants, par les réus­sites de leur indus­trie. Bref, ils vivaient aus­si au rythme de leur nation.

Quand on observe l’en­goue­ment que provo­quent les com­péti­tions sportives inter­na­tionales et les pas­sions que déclenchent par exem­ple les suc­cès de l’équipe de France de foot­ball, on mesure le manque d’ex­is­tence col­lec­tive que ressen­tent incon­sciem­ment les Français en ce début de siè­cle. Car les mou­ve­ments d’opin­ion que sus­ci­tent ces événe­ments ne s’ex­pliquent pas sim­ple­ment par l’amour du sport. S’ils pren­nent une telle impor­tance, c’est qu’ils sont aujour­d’hui les seules occa­sions où peut se man­i­fester la fierté col­lec­tive. Le sport est aujour­d’hui le seul domaine où le patri­o­tisme est encore toléré et où l’on peut encore vivre des pas­sions liées à l’ap­par­te­nance à une com­mu­nauté. Car, pour le reste, il n’y a plus rien qui per­me­tte aux Français de s’i­den­ti­fi­er comme tels.

Là réside sans doute l’une des caus­es prin­ci­pales des maux dont souf­fre notre pays. L’homme n’est pas un ani­mal soli­taire, il n’ex­iste et ne s’é­panouit qu’au sein d’une com­mu­nauté. Et la nation, mais aus­si demain l’Eu­rope, con­stituent les seules com­mu­nautés où de grandes œuvres peu­vent être accom­plies à l’échelle du monde. Des œuvres capa­bles de rassem­bler les Français et les Européens, de les appel­er à se dépass­er et à se pro­jeter dans l’avenir.

Il est temps d’ou­vrir cette per­spec­tive à nos com­pa­tri­otes et de les sor­tir de la tor­peur mor­bide dans laque­lle beau­coup d’en­tre eux se réfugient. Il faut bris­er le cer­cle vicieux de la jérémi­ade et de la com­pas­sion qui con­duit nos gou­ver­nants à plain­dre ceux qui se lamentent et à don­ner à ceux qui revendiquent. Le moment est venu de tenir un dis­cours plus ferme et d’ap­pel­er les Français à se réveiller, à se pren­dre en main, à mul­ti­pli­er les ini­tia­tives et à se bat­tre pour eux-mêmes, pour leur famille et leur pays. Il faut les inciter à l’ef­fort, au don de soi, à la pré­pa­ra­tion de l’avenir et repren­dre à leur inten­tion la for­mule célèbre : ne vous deman­dez pas ce que l’É­tat peut faire pour vous, deman­dez-vous ce que vous pou­vez faire pour la France.

Pour redonner un avenir à notre nation et à notre civil­i­sa­tion, il faut quit­ter la voie suiv­ie jusqu’à main­tenant et dont cha­cun com­mence à com­pren­dre qu’elle nous con­duit vers le précipice. D’ailleurs, ceux qui nous ont four­voyés se trou­vent aujour­d’hui dis­qual­i­fiés. La gauche, nous l’avons vu, n’a plus rien à apporter à notre pays. Quant à la droite, ou à ce qui en tient lieu, elle a échoué. Aujour­d’hui, les ten­ants de ce sys­tème poli­tique­ment cor­rect ont per­du toute légitim­ité aux yeux des Français qui les rejet­tent tout en se dés­espérant de ne pou­voir se tourn­er vers une force alter­na­tive à la fois crédi­ble et respon­s­able. Pour­tant, une telle force existe virtuelle­ment et dis­pose d’un poten­tiel de voix considérable.

Le moment est venu de lui don­ner une exis­tence réelle et de rassem­bler tous ceux qui aspirent à un renou­veau, tous ceux qui veu­lent que notre pays change de voie. Telle est à mes yeux la con­di­tion poli­tique à rem­plir pour faire renaître l’e­spoir. Tels sont donc mon objec­tif et mon projet.
Nous sommes à la croisée des chemins. Si la pen­sée unique con­tin­ue à impos­er sa dic­tature, la France comme l’Eu­rope sont men­acées de dis­pari­tion. Si nos com­pa­tri­otes, comme une majorité d’en­tre eux le souhait­ent, choi­sis­sent de suiv­re une voie nou­velle de grandeur et d’am­bi­tion, la renais­sance est possible.

Alors la France rede­vien­dra la pre­mière puis­sance en Europe et l’Eu­rope la pre­mière puis­sance dans le monde.

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