Début de siècle, nouvelle voie
La France n’a pas dit son dernier mot. L’Europe peut encore étonner le monde. Malgré l’effacement de notre continent et le recul de notre pays, en dépit de l’impuissance des politiques et de la domination des idées fausses, il n’y a pas de fatalité à la régression de la France et de l’Europe. En ce début du vingt et unième siècle, notre nation, comme notre civilisation, peut reprendre sa place dans le monde. Pour peu que nos dirigeants renouent avec les vertus du politique, que notre peuple retrouve force et puissance, il est possible de créer une nouvelle dynamique économique et sociale et de rétablir l’harmonie au sein de notre communauté nationale. Il est possible de faire de la France la première puissance en Europe et de l’Europe la première puissance dans le monde.
Certains me feront remarquer que de telles perspectives ne répondent nullement aux préoccupations des Français d’aujourd’hui. Nos compatriotes, me dit-on, ne s’intéressent pas aux performances de l’économie européenne par rapport à celles de la Chine ou des États-Unis. Peu leur importent les succès des entreprises ou des savants français et européens. Ils sont indifférents à l’idée d’une alliance militaire européenne crédible à l’échelle de la planète. Quant à la position de l’euro face au dollar, c’est le cadet de leurs soucis. À vrai dire, la puissance de leur pays ou de leur continent ne correspond à aucune de leurs aspirations.
En effet, ce qui les intéresse avant tout, ce sont les questions qui concernent leur vie quotidienne. Trouver un emploi pour ceux qui sont au chômage, boucler leurs fins de mois pour ceux qui frôlent le seuil de pauvreté, faire prévaloir leurs droits, éviter d’être cambriolés ou agressés, acquérir un logement, voilà les vrais problèmes auxquels ils sont confrontés. On est donc loin des enjeux géopolitiques et du choc des civilisations.
Je ne suis pas certain qu’une vision aussi réductrice de l’état d’esprit des Français corresponde à la réalité profonde de notre peuple. Mais il est exact qu’elle reflète ce que les médias nous en montrent, comme on a pu le constater de façon caricaturale à l’occasion du débat télévisé entre le président de la République et un panel de jeunes gens lors de la campagne pour le référendum sur la constitution européenne. M. Chirac voulait évoquer quelques questions d’ordre institutionnel, mais il était systématiquement ramené aux problèmes personnels de ses interlocuteurs : « Que pouvez-vous faire pour que j’obtienne un emploi ? », « Comment améliorer mes débouchés en fin d’études ? », « Je suis au SMIC, comment m’aider à mieux vivre ? » Et les politiques, comme le président ce soir-là, de répondre concrètement à ces questions concrètes au point que leurs discours comme leurs programmes et leurs actions se limitent désormais à formuler des réponses ponctuelles à des problèmes ponctuels.
Je suis convaincu qu’il s’agit là d’une profonde erreur qui aggrave encore le dépérissement du politique et l’impuissance des dirigeants. Car la mission des gouvernants ne consiste pas à apporter des solutions directes aux difficultés individuelles des personnes, mais à s’attaquer aux phénomènes qui les provoquent, c’est-à-dire à résoudre les problèmes du pays. En refusant d’affronter cette réalité, ils se comportent comme ce médecin qui néglige délibérément les causes du mal dont se plaint son patient. Il soigne donc ses céphalées puisque l’intéressé demande à être soulagé de ses maux de tête et ignore l’hypertension qui en est pourtant à l’origine.
Il en va de même à l’échelle de la nation. Car si nos compatriotes rencontrent pour beaucoup de graves difficultés personnelles, c’est avant tout parce que les cadres traditionnels de notre société se sont affaissés et que les institutions ne remplissent plus leur rôle. S’il y a du chômage, c’est parce que la France ne se donne pas les moyens de relever le défi de la compétition économique internationale et parce que l’Europe ne se comporte pas en puissance pour défendre ses intérêts. Si l’immigration submerge notre pays, c’est parce que notre nation refuse de prendre en compte la réalité du choc des civilisations. Si la délinquance et la violence se généralisent, c’est parce que la république ne fait plus respecter avec autorité un corps de valeurs minimum. Si les Français sont moroses et rechignent de plus en plus à s’investir dans leur travail, c’est parce qu’il n’y a plus personne au sommet de l’État pour ouvrir des perspectives, fixer des objectifs collectifs et mobiliser leur énergie.
Si les Français semblent ne plus se préoccuper que de leur vie personnelle, c’est aussi parce que leur univers a perdu sa dimension communautaire et nationale. Il y a encore quelques décennies, nos compatriotes étaient certes des personnes individuelles avec tous les problèmes liés à leurs conditions de vie, mais ils étaient aussi les membres d’une nation qui existait et pesait dans le monde. Ils se sentaient donc concernés par le sort de leur armée, par les succès de leurs savants, par les réussites de leur industrie. Bref, ils vivaient aussi au rythme de leur nation.
Quand on observe l’engouement que provoquent les compétitions sportives internationales et les passions que déclenchent par exemple les succès de l’équipe de France de football, on mesure le manque d’existence collective que ressentent inconsciemment les Français en ce début de siècle. Car les mouvements d’opinion que suscitent ces événements ne s’expliquent pas simplement par l’amour du sport. S’ils prennent une telle importance, c’est qu’ils sont aujourd’hui les seules occasions où peut se manifester la fierté collective. Le sport est aujourd’hui le seul domaine où le patriotisme est encore toléré et où l’on peut encore vivre des passions liées à l’appartenance à une communauté. Car, pour le reste, il n’y a plus rien qui permette aux Français de s’identifier comme tels.
Là réside sans doute l’une des causes principales des maux dont souffre notre pays. L’homme n’est pas un animal solitaire, il n’existe et ne s’épanouit qu’au sein d’une communauté. Et la nation, mais aussi demain l’Europe, constituent les seules communautés où de grandes œuvres peuvent être accomplies à l’échelle du monde. Des œuvres capables de rassembler les Français et les Européens, de les appeler à se dépasser et à se projeter dans l’avenir.
Il est temps d’ouvrir cette perspective à nos compatriotes et de les sortir de la torpeur morbide dans laquelle beaucoup d’entre eux se réfugient. Il faut briser le cercle vicieux de la jérémiade et de la compassion qui conduit nos gouvernants à plaindre ceux qui se lamentent et à donner à ceux qui revendiquent. Le moment est venu de tenir un discours plus ferme et d’appeler les Français à se réveiller, à se prendre en main, à multiplier les initiatives et à se battre pour eux-mêmes, pour leur famille et leur pays. Il faut les inciter à l’effort, au don de soi, à la préparation de l’avenir et reprendre à leur intention la formule célèbre : ne vous demandez pas ce que l’État peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour la France.
Pour redonner un avenir à notre nation et à notre civilisation, il faut quitter la voie suivie jusqu’à maintenant et dont chacun commence à comprendre qu’elle nous conduit vers le précipice. D’ailleurs, ceux qui nous ont fourvoyés se trouvent aujourd’hui disqualifiés. La gauche, nous l’avons vu, n’a plus rien à apporter à notre pays. Quant à la droite, ou à ce qui en tient lieu, elle a échoué. Aujourd’hui, les tenants de ce système politiquement correct ont perdu toute légitimité aux yeux des Français qui les rejettent tout en se désespérant de ne pouvoir se tourner vers une force alternative à la fois crédible et responsable. Pourtant, une telle force existe virtuellement et dispose d’un potentiel de voix considérable.
Le moment est venu de lui donner une existence réelle et de rassembler tous ceux qui aspirent à un renouveau, tous ceux qui veulent que notre pays change de voie. Telle est à mes yeux la condition politique à remplir pour faire renaître l’espoir. Tels sont donc mon objectif et mon projet.
Nous sommes à la croisée des chemins. Si la pensée unique continue à imposer sa dictature, la France comme l’Europe sont menacées de disparition. Si nos compatriotes, comme une majorité d’entre eux le souhaitent, choisissent de suivre une voie nouvelle de grandeur et d’ambition, la renaissance est possible.
Alors la France redeviendra la première puissance en Europe et l’Europe la première puissance dans le monde.