L’autre scénario. Chapitre 9 : Un tigre dans le moteur

22 juin 2020

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Ils tra­vail­lent avec com­pé­tence mais sans ent­hou­si­asme. Ils pos­sè­dent des qual­ités et des tal­ents, mais ils ressen­tent de l’amer­tume et du décourage­ment. Ils créent la richesse de la France, mais l’É­tat les empêche de devenir rich­es. Ils pro­duisent, entre­pren­nent et innovent pour elle, mais notre pays les taxe, les régle­mente et les har­cèle. Beau­coup sont prêts à don­ner le meilleur d’eux-mêmes mais, sou­vent, on ne leur demande rien. S’ils sont jeunes, ils sont ignorés, s’ils sont âgés, ils sont rejetés. Leur activ­ité est béné­fique et néces­saire mais ceux qui sont désœu­vrés ou assistés ne sont sou­vent pas moins rémunérés. Sans eux, la France serait un pays sous-dévelop­pé, mais on leur préfère de plus en plus ceux qui vien­nent des pays en voie de développe­ment. Tous aiment vivre en France mais cer­tains d’en­tre eux déci­dent de tra­vailler à l’étranger.

Ils sont chefs d’en­tre­prise, ingénieurs, cadres, arti­sans, pro­fes­sions libérales, con­tremaîtres, ouvri­ers. Ils font tourn­er l’é­conomie française. Ils ont des com­pé­tences recon­nues, mais beau­coup sont dés­abusés et par­fois même dés­espérés. Ils se bat­tent pour gag­n­er, mais ceux qui devraient les soutenir sont les pre­miers à les acca­bler. Ils doivent affron­ter la con­cur­rence sauvage du monde glob­al­isé, mais en France ils sont freinés et hand­i­capés. Ils se dépensent sans compter, mais ils ont le sen­ti­ment de ne pas être recon­nus pour ce qu’ils représen­tent et de ne pas être récom­pen­sés pour ce qu’ils accomplissent.

Notre nation est malade, non par manque de ressources et de tal­ents, mais par l’ef­fet asphy-xiant des con­traintes bureau­cra­tiques et fis­cales. Dans le domaine économique, elle dis­pose de for­mi­da­bles atouts et de solides acquis mais elle se pénalise elle-même en pra­ti­quant une forme d’automutilation.

Résul­tat : notre pays se laisse pro­gres­sive­ment dis­tancer par de nom­breux États indus­tri­al­isés. Il est passé au sein de l’U­nion européenne du troisième au douz­ième rang pour le PIB par habi­tant. Et cette évo­lu­tion, à la fois humiliante et inquié­tante, ne date pas d’hi­er. Ain­si, par exem­ple, notre nation a‑t-elle aujour­d’hui un PIB de 9 p. cent inférieur à celui de la Grande-Bre­tagne, alors qu’il était de 25 p. cent supérieur dans les années soix­ante-dix. Com­ment en serait-il autrement ? Pen­dant toute la décen­nie qua­tre-vingt-dix, notre pays a con­nu l’une des crois­sances les plus faibles des pays de l’OCDE.

Il y a là une réal­ité dra­ma­tique dont beau­coup de nos com­pa­tri­otes n’ont pas pleine­ment con­science et que les respon­s­ables poli­tiques et médi­a­tiques cherchent à dis­simuler. Et pour cause, cette dégra­da­tion n’est nulle­ment le fruit de la fatal­ité, elle s’ex­plique sim­ple­ment par l’ac­tion que ces derniers mènent depuis deux ou trois décennies.

Nos gou­ver­nants n’ont-ils pas sys­té­ma­tique­ment cassé les ressorts du dynamisme économique ? C’est en tout cas ce que l’on con­state à pro­pos du tra­vail qui a été lour­de­ment taxé et stu­pide­ment rationné. Le coût d’un emploi dans notre pays se situe main­tenant par­mi les plus élevés de tous les États occidentaux.

Plus grave encore, la France est, depuis la lég­is­la­tion sur les trente-cinq heures, l’une des nations où l’on tra­vaille le moins. Avec 1 463 heures, notre durée annuelle d’ac­tiv­ité est en effet l’une des plus faibles du monde. En com­para­i­son, elle s’élève à 1 850 heures en Grande-Bre­tagne et à 1 966 heures aux États-Unis. Com­ment, dans ces con­di­tions, s’é­ton­ner que la pro­duc­tiv­ité ait pro­gressé chez nous qua­tre fois moins vite qu’en Amérique au cours de la dernière décennie ?

L’ap­pareil de pro­duc­tion a été lour­de­ment hand­i­capé par les hommes poli­tiques qui ont sys­té­ma­tique­ment priv­ilégié l’É­tat, les col­lec­tiv­ités et l’as­sis­tance au détri­ment de l’en­tre­prise, de l’ini­tia­tive privée et de l’emploi. L’ad­min­is­tra­tion d’É­tat et l’ensem­ble des bureau­craties publiques pèsent d’un poids con­sid­érable sur l’é­conomie et ont généré une régle­men­ta­tion tatil­lonne et com­plexe qui paral­yse les ini­tia­tives. Les deux mille pages du code du tra­vail freinent l’embauche, les mille huit cents arti­cles du code des impôts découra­gent l’entreprise.

De sur­croît, cette énorme machine, qui ralen­tit, alour­dit, gêne et entrave l’é­conomie, prélève sur elle un trib­ut colos­sal. Nos dépens­es publiques qui, avec 54 p. cent du PIB, comptent par­mi les plus élevées du monde sont con­sacrées pour l’essen­tiel aux trans­ferts soci­aux et aux salaires des fonctionnaires.

Quant au sys­tème de pro­tec­tion sociale, il devient de son côté lourd, com­plexe et paralysant. Ses principes de fonc­tion­nement par­ti­c­ulière­ment archaïques dévelop­pent dans la pop­u­la­tion une atti­tude d’ir­re­spon­s­abil­ité et une men­tal­ité d’as­sistés. Son coût glob­al, de près de trois cent cinquante mil­liards d’eu­ros, et son déficit, qui dépasse main­tenant les dix mil­liards d’eu­ros chaque année, ne cessent d’aug­menter. Et que dire des gaspillages qui s’ac­cu­mu­lent ? L’Aide médi­cale d’É­tat, qui assure une prise en charge à 100 p. cent de tous les frais de san­té des immi­grés clan­des­tins, atteint 2 995 euros par béné­fi­ci­aire con­tre 1 504 euros pour un assuré du régime général et génère un déficit de près d’un mil­liard d’eu­ros, soit l’équiv­a­lent des économies réal­isées grâce à la réforme de l’as­sur­ance maladie.

À cela s’a­joute l’ef­fet sclérosant de l’at­ti­tude des syn­di­cats qui s’op­posent à tout et n’agis­sent que pour défendre les priv­ilèges des salariés du secteur pub­lic. Com­ment, dans ces con­di­tions, le monde du tra­vail et de l’en­tre­prise ne se trou­verait-il pas blo­qué, stéril­isé et étouf­fé ? Car, pen­dant que les ressources de la nation vont pri­or­i­taire­ment vers les admin­is­tra­tions et le social, l’ap­pareil indus­triel de la France s’é­ti­ole. Et, s’il est vrai que la mon­di­al­i­sa­tion accélère ce proces­sus de désin­dus­tri­al­i­sa­tion, tout cepen­dant ne lui est pas imputable : placée dans un envi­ron­nement com­pa­ra­ble, la Grande-Bre­tagne compte aujour­d’hui 3,4 mil­lions d’en­tre-pris­es non agri­coles alors que la France n’en pos­sède plus que 2,4 millions.

Récem­ment, j’ai été frap­pé par la fran­chise et la lucid­ité d’un groupe de jeunes chefs d’en­tre­prise français ren­con­tré lors d’un voy­age à Lon­dres : « En Angleterre, m’ont-ils déclaré, nous avons mis cinq ans pour percer. Mais ce qu’on a pu faire ici, on n’au­rait jamais pu le réalis­er chez nous. Si la France ne change pas, elle est foutue. Car tous ceux qui veu­lent réus­sir vont faire comme nous. »

Et de fait, en pénal­isant ceux qui tra­vail­lent et entre­pren­nent, la France s’est engagée dans une spi­rale de stag­na­tion et de chô­mage qui la place à la remorque des pays les plus per­for­mants. Avec un taux d’emploi de 63 p. cent, elle se situe en effet loin der­rière la Grande-Bre­tagne (72 p. cent) et les États-Unis (75 p. cent).

Mais ce n’est pas tout car, pour mas­quer les effets délétères de sa poli­tique, la classe dirigeante fait vivre la France au-dessus de ses moyens. Elle mul­ti­plie les déficits et recourt mas­sive­ment à l’emprunt, obérant ain­si l’avenir de notre nation. Depuis 1995, la dette de la France a qua­si­ment dou­blé pour attein­dre main­tenant les mille cent mil­liards d’eu­ros, voire les deux mille mil­liards selon cer­taines esti­ma­tions. Une charge con­sid­érable dont le rem­bourse­ment annuel cor­re­spond grosso modo aux recettes de l’im­pôt sur le revenu.
Ce boulet que traîne l’é­conomie française con­tin­ue de s’alour­dir. Ain­si, le déficit du bud­get de l’É­tat ne représente jamais moins de 20 p. cent de son mon­tant glob­al. Quant aux pertes enreg­istrées par les organ­ismes soci­aux et les entre­pris­es publiques, elles sont dev­enues abyssales. Rien que pour la Sécu­rité sociale, elles ont atteint en 2004 qua­torze mil­liards d’euros.

La France appa­raît donc économique­ment malade : elle pèche par l’im­por­tance de ses prélève­ments, la lour­deur de sa bureau­cratie, la com­plex­ité de sa lég­is­la­tion, la sclérose de ses syn­di­cats, le coût de sa pro­tec­tion sociale, l’am­pleur de ses déficits et le poids de sa dette.

Mal­gré cela, la classe dirigeante de notre pays con­tin­ue de se ren­gorg­er et de van­ter à tout pro­pos le mod­èle qui est le nôtre. Pour­tant, cette excep­tion française est loin de fascin­er les étrangers. Non seule­ment elle ne les séduit pas, mais elle fait fig­ure de repous­soir et donne de notre pays une image frileuse et archaïque. À vrai dire, si le « mod­èle français » auquel se réfère la classe poli­tique est représen­té par le sys­tème dans lequel nous vivons actuelle­ment, je pré­tends que ce n’est pas un mod­èle et qu’il n’a rien de français. Il s’ag­it en réal­ité d’un sys­tème obsolète et socialiste.

Faut-il pour autant adopter un mod­èle étranger ? Rien n’est moins sûr. Le mod­èle bri­tan­nique, qui a le mérite ines­timable d’avoir tiré le Roy­aume-Uni de la déca­dence dans laque­lle il s’en­fonçait au cours des années soix­ante-dix, ne présente pas que des avan­tages. Il a certes per­mis à la Grande-Bre­tagne de vain­cre le chô­mage et d’of­frir aux Bri­tan­niques une crois­sance soutenue. Mais, dans le même temps, l’An­gleterre a per­du l’essen­tiel de son indus­trie pour n’être plus qu’une économie fondée sur la finance et les ser­vices. Quant à sa pro­tec­tion sociale et à ses ser­vices publics, ils sont loin d’être performants.

Si donc la France gag­nait à s’in­spir­er de l’ex­em­ple anglais pour ten­ter de retrou­ver une prospérité égale à celle de nos voisins d’outre-Manche, elle devrait cepen­dant imag­in­er un mod­èle qui lui soit pro­pre. Ma con­vic­tion est que notre pays doit faire le choix stratégique d’un renou­veau économique opérant en quelque sorte la syn­thèse entre les principes béné­fiques du sys­tème bri­tan­nique et ceux qui, chez nous, ont fait le suc­cès des Trente Glo­rieuses. Il s’a­gi­rait de pren­dre ce qu’il y a de meilleur dans les deux sys­tèmes et pour le reste d’in­nover avec audace.

Comme me le dis­ait avec humour un indus­triel ulcéré par la pas­siv­ité des poli­tiques, mais très lucide quant à la sit­u­a­tion réelle de la France d’au­jour­d’hui, « le plus apte pour redress­er notre économie, ce serait le fils de Pom­pi­dou et de Thatcher ».

Je crois qu’en matière économique, il nous faut main­tenant opter pour une démarche orig­i­nale alliant les forces créa­tri­ces de la lib­erté d’en­tre­pren­dre à celles, plus stratégiques, de la volon­té nationale. Libérons, déré­gle­men­tons, détax­ons, allé­geons, mais, dans le même temps, créons l’en­vi­ron­nement, pré­parons les con­di­tions, fédérons les ini­tia­tives, ori­en­tons les actions et incar­nons une volon­té. Le moment est venu de con­juguer les ver­tus de l’ini­tia­tive indi­vidu­elle avec celles du volon­tarisme collectif.

Dans la mise en œuvre de ce nou­veau mod­èle français, la pri­or­ité doit cepen­dant aller à la libéral­i­sa­tion. Car, dans la mesure où notre pays a totale­ment bas­culé du côté du social­isme, il m’ap­pa­raît main­tenant essen­tiel de le pouss­er vers la lib­erté et la respon­s­abil­ité. Dans cet esprit, cha­cun sait bien qu’un pre­mier pas décisif doit être franchi : il faut réduire le poids de l’É­tat, dimin­uer les impôts et alléger la régle­men­ta­tion. Avec un objec­tif : remet­tre le tra­vail à l’hon­neur. Comme le souligne Nico­las Baverez dans la France qui tombe, « il est […] vital de réha­biliter le tra­vail à la fois comme valeur et comme source pre­mière des revenus (1) ».

Pour cela, il faut en finir avec les déc­la­ra­tions d’in­ten­tion, les mesures sym­bol­iques et les actions mar­ginales. Notre pays a besoin d’un traite­ment de choc : les mesures à pren­dre doivent être à la hau­teur des prob­lèmes à résoudre.

S’agis­sant de la réduc­tion des con­traintes lég­isla­tives et régle­men­taires, il faut, avant tout, ren­dre aux acteurs économiques la lib­erté dont ils ont besoin pour créer et pro­duire. Per­me­t­tons-leur d’embaucher et de débauch­er de façon sim­ple et rapi­de, la lib­erté de licen­ciement étant d’ailleurs la garantie d’un plus grand nom­bre d’embauches.

Abro­geons égale­ment les trente-cinq heures et offrons aux employeurs comme aux employés une réelle marge de manœu­vre pour définir leurs horaires de tra­vail. Que ceux qui veu­lent tra­vailler moins puis­sent le faire en gag­nant moins, que ceux qui souhait­ent une rémunéra­tion plus impor­tante puis­sent l’obtenir en effec­tu­ant un plus grand nom­bre d’heures. Le moment est venu de revoir entière­ment le code du tra­vail, aujour­d’hui com­plexe et archaïque. Au lieu de mul­ti­pli­er des petites réformes aux effets lim­ités que le gou­verne­ment ne parvient même pas à faire accepter, comme l’a mon­tré l’af­faire du CPE en avril 2006, il est main­tenant essen­tiel d’adopter une lég­is­la­tion nou­velle, sim­ple et mod­erne reposant sur le principe de la lib­erté et de la respon­s­abil­ité des dif­férentes parties.

Il faut cepen­dant aller plus loin car, au-delà du code du tra­vail, les entre­pris­es sont soumis­es au code des impôts, au code du com­merce, au code de la sécu­rité sociale, le tout représen­tant plus de huit mille pages d’ex­i­gences com­plex­es et for­mal­istes, au demeu­rant sans cesse remaniées. Ces codes devraient être refon­dus et sim­pli­fiés de façon que leur vol­ume soit au moins divisé par trois.

Pourquoi ne pas généralis­er cette méth­ode à l’ensem­ble de la lég­is­la­tion et de la régle­men­ta­tion ? Pour sim­pliste qu’elle paraisse, la tech­nique se révélerait d’une grande effi­cac­ité. On pour­rait en tout cas met­tre en place un suivi quan­ti­tatif de la régle­men­ta­tion d’É­tat et pos­er le principe que son vol­ume ne doit plus aug­menter. À charge pour les admin­is­tra­tions qui veu­lent instau­r­er de nou­veaux textes d’ab­roger à due pro­por­tion des arti­cles de loi ou des règle­ments plus anciens.

Il est temps par ailleurs de réalis­er enfin une grande réforme fis­cale. Aujour­d’hui, le code général des impôts con­stitue un véri­ta­ble imbroglio instau­rant plus de mille impôts, tax­es et coti­sa­tions divers, dotés cha­cun d’une cohorte de régimes dif­férents, for­faitaires ou déroga­toires, de décotes, d’a­bat­te­ments et d’ex­onéra­tions. Pourquoi ne pas sup­primer d’emblée 50, voire 60 ou 70 p. cent de ces prélève­ments ? Si l’on sélec­tionne ceux dont le pro­duit est le plus faible, leur sup­pres­sion aurait sur les finances publiques un impact au demeu­rant négligeable.

Mais cela ne peut suf­fire. Il faut aus­si revenir sur les impôts plus lourds qui ont sur le sys­tème économique et social des effets négat­ifs. L’im­pôt sur les suc­ces­sions en ligne directe devrait être abrogé pour per­me­t­tre le main­tien des pat­ri­moines au sein des familles. Dans le même esprit, il faudrait sup­primer l’im­pôt sur les grandes for­tunes ( ISF ) qui pénalise aus­si les petits pat­ri­moines, rap­porte fort peu à l’É­tat et fait per­dre beau­coup d’ar­gent à la France.

L’essen­tiel de la réforme fis­cale devrait cepen­dant porter sur les impôts directs. Qu’il s’agisse de l’im­pôt sur le revenu, des deux impôts fonciers et de la taxe d’habi­ta­tion mais aus­si de la taxe pro­fes­sion­nelle, ils con­cer­nent presque tous les Français et font peser sur eux le poids d’un État inquisi­teur et spo­li­a­teur. Pour alléger et sim­pli­fi­er ce sys­tème, je suis par­ti­san de sup­primer ces cinq prélève­ments et de les rem­plac­er par une taxe unique assise sur l’ensem­ble des revenus et prélevée à la source comme la CSG. Dis­posant d’une très large assi­ette, cet impôt pour­rait être affec­té d’un taux mod­éré et com­porter une part des­tinée à ali­menter le bud­get de l’É­tat et une autre réservée au finance­ment des dif­férentes col­lec­tiv­ités territoriales.

Encore faut-il que cette refonte des impôts ne se traduise pas seule­ment par une sim­pli­fi­ca­tion du mode de prélève­ment, mais aus­si par une réduc­tion du mon­tant des sommes prélevées. Pour cela, il con­vient de dimin­uer les dépens­es publiques et d’al­léger le poids de l’É­tat, un État aujour­d’hui obèse et impo­tent. Et s’il faut ren­forcer les moyens néces­saires à ses mis­sions de sou­veraineté, comme la sécu­rité, il con­vient d’al­léger partout ailleurs ses struc­tures. L’É­tat doit maigrir et se mus­cler. Pourquoi dès lors ne pas sup­primer les innom­brables organ­ismes, comités, con­seils, insti­tuts, dont l’u­til­ité n’est pas évi­dente ? Pourquoi ne pas resser­rer l’ensem­ble de ses ser­vices, sup­primer ceux qui font dou­ble emploi et lim­iter une fois pour toutes le nom­bre de ministères ?

Il me paraît égale­ment néces­saire de réalis­er une grande réforme des col­lec­tiv­ités locales. Avec la décen­tral­i­sa­tion et la mise en place de cinq ou six niveaux d’ad­min­is­tra­tion ter­ri­to­ri­ale, la France a créé un éche­veau bureau­cra­tique à la fois com­plexe et coû­teux. Il faut donc sim­pli­fi­er ces struc­tures et réduire à trois le nom­bre des col­lec­tiv­ités : les com­munes, les com­mu­nautés de com­munes ou com­mu­nautés urbaines et les régions, quitte à en revoir le découpage.

Un tel proces­sus facilit­erait la réduc­tion indis­pens­able du nom­bre de fonc­tion­naires. Aujour­d’hui, la France en compte 2,5 mil­lions et près de six mil­lions si l’on compt­abilise tous les agents à statut pub­lic. Le temps est venu, comme l’a fait par exem­ple la Grande-Bre­tagne, de ne plus rem­plac­er qu’un fonc­tion­naire sur deux par­tant à la retraite et de main­tenir cette règle dans la durée. Pareille méth­ode ne serait nulle­ment défa­vor­able aux fonc­tion­naires à qui elle per­me­t­trait au con­traire d’être mieux employés, mieux con­sid­érés et même un peu mieux rémunérés puisqu’ils seraient moins nom­breux. Elle serait de sur­croît salu­taire pour la nation qui ver­rait ain­si ses dépens­es publiques dimin­uer de façon significative.

Il faut donc généralis­er les coupes claires dans le bud­get de l’É­tat. Est-il nor­mal par exem­ple que ce dernier sub­ven­tionne chaque année des organ­ismes, entre­pris­es et asso­ci­a­tions divers­es pour plus de vingt mil­liards d’eu­ros ? A‑t-on la cer­ti­tude que ces crédits ne pour­raient pas être réduits de 30, voire de 50 p. cent ? Et que dire des vingt-cinq mil­liards con­sacrés à ce qu’il con­vient d’ap­pel­er les aides à l’emploi ? Alors que le taux de chô­mage flirte tou­jours avec les 10 p. cent, est-on cer­tain qu’il est préférable de prélever ces sommes pour sub­ven­tion­ner des emplois plutôt que de réduire à due pro­por­tion les charges des entre­pris­es pour leur per­me­t­tre d’embaucher davan­tage ? Quant aux quelque six mil­liards et demi d’eu­ros engloutis chaque année dans la poli­tique de la Ville, ils se sont révélés totale­ment inutiles et pour­raient donc être pure­ment et sim­ple­ment supprimés.
Avec des économies sub­stantielles sur ces trois postes budgé­taires, mais aus­si sur d’autres, on pour­rait obtenir très rapi­de­ment une pre­mière diminu­tion des dépens­es publiques d’au moins trente mil­liards d’eu­ros, ce qui représente 10 p. cent du bud­get et la moitié de l’im­pôt sur le revenu. Tout cela est pos­si­ble à con­di­tion de chang­er la philoso­phie qui pré­vaut actuelle­ment dans l’u­til­i­sa­tion des fonds publics. Aujour­d’hui, la classe poli­tique con­sid­ère que pour résoudre un prob­lème il suf­fit de lui allouer des crédits. Mais ce n’est pas tou­jours vrai. On dépense de plus en plus pour l’é­cole, pour les cités et pour l’emploi, mais rien n’y fait : le chô­mage se main­tient, l’in­sécu­rité s’ac­croît et le niveau sco­laire se dégrade.

C’est d’ailleurs l’opin­ion que m’avait con­fiée, un peu dés­abusé, un haut fonc­tion­naire de l’É­conomie, juste après une réu­nion de la com­mis­sion des finances de l’Assem­blée nationale. La dis­cus­sion avait porté sur des dépens­es sup­plé­men­taires pour les ban­lieues. « Le para­doxe, me dis­ait-il, c’est qu’on croit pou­voir réduire les dif­fi­cultés sociales en aug­men­tant les dépens­es publiques. En réal­ité, avec cette méth­ode, on ne résout pas du tout les prob­lèmes du pays, mais on est sûr d’ag­graver ceux du bud­get. » Et d’a­jouter, un peu ironique : « Si on rédui­sait les dépens­es, la sit­u­a­tion du pays ne serait pas pire, mais celle des finances serait meilleure. » Telle est bien la ligne qu’il faudrait suiv­re désor­mais dans de nom­breux domaines.

Réforme de l’É­tat, réforme fis­cale, réforme de la lég­is­la­tion, le renou­veau économique est pos­si­ble pour ren­dre à notre pays toutes les chances dont dis­posent ses con­cur­rents. Or, notre nation, mal­gré ses hand­i­caps actuels, réus­sit encore à faire bonne fig­ure. Si elle béné­fi­ci­ait, comme le Roy­aume-Uni, d’une grande lib­erté pour ses entre­pris­es, si l’É­tat se trou­vait allégé et si les prélève­ments dimin­u­aient, elle pour­rait repren­dre la tête de tous les pays européens.

D’au­tant que notre pays détient par ailleurs un atout qui lui est pro­pre et que les autres nations ne pos­sè­dent pas. Je pense à l’É­tat qui, depuis Col­bert, a tou­jours joué en France un rôle moteur, y com­pris sur le plan économique. Cette spé­ci­ficité française ne doit pas être aban­don­née au motif que la libéral­i­sa­tion est néces­saire. Car, s’il nous faut un État moins lourd, nous ne voulons pas pour autant d’un État passif.

N’ou­blions pas que nous vivons encore sur les suc­cès économiques et tech­nologiques des années soix­ante soix­ante-dix, suc­cès qui n’au­raient pas été pos­si­bles sans l’in­ter­ven­tion de l’É­tat. Le pro­gramme élec­tronu­cléaire, les réal­i­sa­tions fer­rovi­aires ou celles de l’aéro­nau­tique et de l’e­space par exem­ple, n’au­raient jamais abouti si l’É­tat ne s’é­tait investi lui-même dans toutes ces entreprises.

Je suis per­son­nelle­ment par­ti­san de rester fidèle à cette sin­gu­lar­ité pro­pre au génie de notre nation. Aus­si, dans le nou­veau mod­èle économique français qu’il nous faut imag­in­er, l’ac­tion volon­tariste et fédéra­trice de l’É­tat doit-elle venir com­pléter celle de l’ini­tia­tive privée. Cette exi­gence me paraît d’ailleurs d’au­tant plus légitime que notre pays est plongé dans l’arène du monde glob­al­isé et qu’il doit y affron­ter la guerre économique plané­taire. Il serait donc naïf et crim­inel de ne pas met­tre en œuvre, à l’éch­e­lon du pays, tous les moyens néces­saires pour défendre et pro­mou­voir nos intérêts.
Aus­si devons-nous dévelop­per une stratégie indus­trielle offen­sive, en appli­quant notam­ment les principes de l’in­tel­li­gence économique, comme le pré­conise Bernard Caray­on, député du Tarn et auteur d’un impor­tant rap­port sur le sujet. Des comités stratégiques peu­vent ain­si être créés, secteur par secteur, afin de mobilis­er, à côté des entre­pris­es con­cernées, tous les moyens de l’É­tat, que ce soit le réseau de nos ambas­sades, les ser­vices de ren­seigne­ment ou tous les départe­ments min­istériels intéressés. Et, dans ces enceintes, pas ques­tion de con­trôler, de régle­menter et de tax­er ! Il s’a­gi­ra de faciliter, d’en­cour­ager et de ren­forcer. Quant aux objec­tifs, ils doivent être con­crets : con­quérir un marché à l’é­tranger, créer un grand groupe indus­triel nation­al ou européen, riposter à une offen­sive com­mer­ciale chi­noise ou con­tr­er une OPA étrangère hostile.

Dans cet esprit, il me paraît essen­tiel que l’É­tat sus­cite et porte à nou­veau de grands pro­jets indus­triels d’in­térêt nation­al. Face aux dif­fi­cultés crois­santes d’ap­pro­vi­sion­nement en pét­role et à la hausse inces­sante du prix du bar­il de brut, la puis­sance publique devrait réa­gir par la mise en œuvre de pro­jets de grande ampleur. À la fin des années soix­ante-dix, après le pre­mier choc pétroli­er, la France avait pris la déci­sion de con­stru­ire des cen­trales nucléaires. Aujour­d’hui, pourquoi ne lancerait-elle pas un pro­gramme aus­si volon­tariste en faveur des bio­car­bu­rants fab­riqués à par­tir de la matière végétale ?

Les grands pro­jets à dévelop­per et à soutenir doivent porter pri­or­i­taire­ment sur les hautes tech­nolo­gies, celles qui con­di­tion­nent l’avenir. Pour ce faire, il est urgent d’en­gager une réno­va­tion en pro­fondeur de la recherche sci­en­tifique française. Ce secteur vital pour notre pays est aujour­d’hui en régres­sion : l’ef­fort de recherche a dimin­ué au cours des dix années écoulées. Les moyens qui lui sont affec­tés ne représen­tent que 2,2 p. cent du PIB, alors qu’ils sont de 2,5 p. cent en Alle­magne, de 2,8 p. cent aux USA et de 3,1 p. cent au Japon. La France doit adopter dans ce domaine une démarche offen­sive de recon­quête et mobilis­er les moyens néces­saires pour attein­dre, d’i­ci à cinq ans, un niveau com­pa­ra­ble à celui des États-Unis. Cela passe, comme le réclame à juste rai­son Éric Le Bouch­er, par « un effort mas­sif de recherche-développe­ment financé par l’É­tat mais aus­si par les entre­pris­es qui ne devraient plus s’en dis­penser. Celles-ci doivent en échange impos­er le seul critère de ges­tion de la recherche qui vaille : l’ex­cel­lence (2) ».

Aus­si fau­dra-t-il revoir l’or­gan­i­sa­tion de la recherche française dev­enue par trop bureau­cra­tique. Pourquoi ne pas faire éclater le CNRS en autant de lab­o­ra­toires et d’in­sti­tuts autonomes sus­cep­ti­bles de mobilis­er des crédits de toutes orig­ines sur des pro­jets claire­ment iden­ti­fiés ? Il faut par ailleurs réori­en­ter notre recherche vers les sci­ences qui peu­vent servir le développe­ment de notre pays, qu’elles soient fon­da­men­tales ou appliquées. Priv­ilé­gions la recherche sur les nan­otech­nolo­gies, sur la géné­tique ou la biolo­gie molécu­laire par exem­ple et lais­sons la recherche sur les arts pre­miers ou sur la soci­olo­gie des vil­lages nor­mands au tra­vail uni­ver­si­taire ! Enfin, il faut redonner aux chercheurs le statut et la rémunéra­tion qu’ils méri­tent, une rémunéra­tion qui soit pro­por­tion­nelle aux suc­cès rem­portés et qui puisse se com­par­er à celles que l’on verse ailleurs et notam­ment aux États-Unis d’Amérique !

Cette entre­prise de renou­veau de la recherche doit aller de pair avec la recon­struc­tion de notre sys­tème édu­catif. Aujour­d’hui, l’é­cole est en crise et pénalise à la fois nos enfants et notre pays. Elle fab­rique en effet 10 p. cent d’il­let­trés, pro­duit chaque année cent soix­ante et un mille jeunes sans qual­i­fi­ca­tion et, surtout, elle provoque une baisse générale du niveau d’in­struc­tion. La France se classe main­tenant au sein de l’OCDE quinz­ième sur trente-deux pour les per­for­mances en ter­mes de lec­ture par exemple.

Il est temps, là encore, de rompre avec les pra­tiques anci­ennes qui ne voy­aient de solu­tion que dans l’aug­men­ta­tion du nom­bre des fonc­tion­naires. Depuis 1985, les effec­tifs du min­istère de l’É­d­u­ca­tion nationale ont aug­men­té de 13 p. cent alors que le nom­bre des élèves a bais­sé, de 1990 à aujour­d’hui, d’en­v­i­ron huit cent qua­tre-vingt mille et le tout sans aucune amélio­ra­tion des per­for­mances du système.

Cette con­tre-pro­duc­tiv­ité n’a d’ailleurs rien d’é­ton­nant car ce sont en réal­ité les méth­odes péd­a­gogiques qui sont la cause de ce fias­co. Et c’est bien ce que dénonce l’un des plus grands uni­ver­si­taires français, Lau­rent Laf­forgue, médaille Fields de math­é­ma­tiques, dans un cour­ri­er adressé au prési­dent du Haut Con­seil à l’é­d­u­ca­tion (HCE) : « Notre sys­tème édu­catif pub­lic est en voie de destruc­tion totale […à cause] de toutes les poli­tiques et de toutes les réformes menées par tous les gou­verne­ments depuis la fin des années soix­ante […] qui con­sis­tent à ne plus accorder de valeur au savoir. »
Ce sont donc main­tenant les objec­tifs, les méth­odes et le con­tenu de l’en­seigne­ment qu’il faut réformer. Le moment est venu d’as­sign­er de nou­veau à l’é­cole la mis­sion de trans­met­tre le savoir et de renouer avec l’im­pératif d’ex­cel­lence. Aban­don­nons le col­lège unique et diver­si­fions les fil­ières, rétab­lis­sons les classe­ments et l’é­mu­la­tion, encour­a­geons et récom­pen­sons le tra­vail, restau­rons la dis­ci­pline et l’au­torité des maîtres. Instau­rons, notam­ment pour les uni­ver­sités, l’au­tonomie des étab­lisse­ments et la sélec­tion au recrute­ment. Bref, met­tons en place tout ce qui per­met à chaque élève et à chaque étu­di­ant de dévelop­per au max­i­mum ses capac­ités et de s’ori­en­ter vers les matières où il pour­rait s’é­panouir et servir au mieux la nation.

Ain­si l’É­tat, à qui il revient d’ex­primer une volon­té d’ex­cel­lence et d’in­car­n­er une stratégie de suc­cès, a‑t-il un rôle essen­tiel à jouer dans la renais­sance économique de notre pays. Un rôle d’au­tant plus impor­tant qu’il devra dans le même temps rénover entière­ment la poli­tique sociale.
Il faut en effet rompre défini­tive­ment avec la lutte des class­es, avec la cul­ture de l’en­vie et du ressen­ti­ment et invers­er com­plète­ment la logique de l’ac­tion publique. Selon les social­istes, plus il y a de presta­tions, d’al­lo­ca­tions et de redis­tri­b­u­tion, mieux les Français sont cen­sés se porter. Or, rien n’est plus faux, car, si l’as­sis­tance est un pal­li­atif sou­vent indis­pens­able, elle ne doit pas devenir un but en soi. L’ob­jec­tif à vis­er con­siste au con­traire à offrir à cha­cun la pos­si­bil­ité de vivre digne­ment des revenus de son tra­vail, présent ou passé, sans aide ni tutelle. Pour ce faire, la pri­or­ité est de créer des emplois et d’en­cour­ager le tra­vail. Le pro­grès social passe donc à l’év­i­dence par le renou­veau économique.

Mais, pour ren­forcer cette autonomie finan­cière des Français, je suis égale­ment par­ti­san de favoris­er la con­sti­tu­tion de pat­ri­moines, y com­pris chez nos com­pa­tri­otes aux revenus les plus mod­estes. Lançons par exem­ple une grande poli­tique de pro­priété pop­u­laire per­me­t­tant à chaque famille d’obtenir des prêts aidés et d’ac­céder à la pro­priété de son logement !

La pro­priété est béné­fique, elle enracine, respon­s­abilise et sécurise. Un homme âgé, mil­i­tant du MNR, que je félic­i­tais pour la tenue de son pavil­lon, me le fai­sait remar­quer récem­ment : « Vous savez, je n’ai qu’une toute petite retraite, si je n’é­tais pas pro­prié­taire, je n’au­rais pas pu m’en sor­tir. » La pro­priété inal­ién­able d’un loge­ment et la con­sti­tu­tion d’un pat­ri­moine que l’on peut trans­met­tre sans impôt à ses enfants ou petits-enfants con­stituent les plus sûres des garanties pour faire face aux aléas de l’existence.

Il me paraît égale­ment indis­pens­able de remet­tre en ser­vice l’as­censeur social, celui qui per­met à cha­cun de pro­gress­er dans la hiérar­chie de la société grâce à son tal­ent et à son tra­vail. Et pour cela, point n’est besoin d’in­stituer des quo­tas per­me­t­tant par exem­ple aux enfants des ban­lieues d’en­tr­er à Sci­ences-Po par un con­cours au rabais. La vraie solu­tion passe par une économie libérée, où les con­traintes seraient réduites au min­i­mum et où cha­cun pour­rait don­ner libre cours à ses dons et à ses capac­ités. Rien de tel égale­ment que la mise en appli­ca­tion, dans tout le sys­tème social, du principe de respon­s­abil­ité grâce auquel, par exem­ple, ceux qui le souhait­ent peu­vent par­tir en retraite plus tard pour cotis­er moins tous les mois ou, à l’in­verse, vers­er une coti­sa­tion plus impor­tante pour cess­er de tra­vailler plus tôt. Il est temps que ceux qui acceptent des sac­ri­fices, qui se bat­tent et pren­nent leur vie en main, soient avan­tagés par rap­port à ceux qui se con­tentent de faire val­oir leurs droits.

L’é­conomie française, dévelop­pée par des acteurs libérés et motivés, soutenue par un État rénové et offen­sif, pour­rait, j’en suis con­va­in­cu, pren­dre un nou­v­el élan et créer à nou­veau suff­isam­ment d’emplois et de richesse pour assur­er la prospérité de nos com­pa­tri­otes et ramen­er l’har­monie dans notre pays.

La France, ayant renoué avec la crois­sance et la réus­site économique, pour­rait alors se hiss­er à la pre­mière place en Europe.

1. Nico­las Baverez, La France qui tombe, Per­rin, 2004.
2. Éric Le Bouch­er, Économique­ment incor­rect, Gras­set, 2005.

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