L’autre scénario. Chapitre 5 : Le sable dans le mixer

22 juin 2020

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Ils sont là, de plus en plus nom­breux. Ils vien­nent du soleil et con­nais­sent le désert ou la forêt. Cer­tains se sont bat­tus pour la France, d’autres l’ont attaquée et rejetée. Leurs par­ents étaient français et n’ont plus voulu l’être. Eux ne l’é­taient pas, mais ont souhaité le devenir. Ceux qui ne les fréquentent jamais veu­lent qu’on les accueille, mais ceux qui les côtoient souhait­eraient les voir plus loin. La république leur offre les droits de l’homme, mais tous ne veu­lent pas des droits des femmes. Cer­tains sont venus pour tra­vailler, mais d’autres recherchent les allo­ca­tions. Ils sont arrivés sans rien, mais beau­coup s’indig­nent de ne pas avoir assez. Ils ne posent pas de prob­lèmes, mais quelques-uns posent des bombes. La reli­gion de beau­coup d’en­tre eux n’est pas la nôtre, mais elle est la deux­ième de France. Il faut les aimer, même quand ils ne nous aiment pas.

Ce sont les immi­grés instal­lés dans notre pays. Ils sont cen­sés s’in­té­gr­er, mais leur nom­bre, et la dis­par­ité de leurs orig­ines, de leurs cul­tures et de leurs reli­gions, les poussent à se con­stituer en com­mu­nautés autonomes au sein de notre nation. Des com­mu­nautés qui ne se recon­nais­sent pas dans toutes les valeurs de notre civil­i­sa­tion, qui con­tin­u­ent de regarder au-delà de nos fron­tières et représen­tent un défi pour notre société et ses équilibres.

L’im­mi­gra­tion n’est-elle pas l’un des fac­teurs d’af­faib­lisse­ment de l’u­nité et de l’i­den­tité nationale ? Si la cohé­sion de la société et les valeurs de la république sont aujour­d’hui remis­es en cause, qui peut dire que l’im­mi­gra­tion n’y est pour rien ? Quant aux dif­fi­cultés de cohab­i­ta­tion que con­nais­sent beau­coup de nos com­pa­tri­otes, seraient-elles aus­si grandes si l’im­mi­gra­tion était moins nom­breuse et moins exotique ?

Pour­tant, les maîtres du poli­tique­ment cor­rect sem­blent ignor­er toutes ces ques­tions. Ou, plutôt, ils y répon­dent en nous expli­quant que les prob­lèmes sont d’or­dre social, liés à un chô­mage exces­sif, à un urban­isme déraci­nant et à une édu­ca­tion insuff­isante. Si les « jeunes » des ban­lieues brû­lent des voitures, c’est parce qu’ils n’ont pas de tra­vail, pas de per­spec­tives et qu’ils sont vic­times de scan­daleuses dis­crim­i­na­tions de la part des Français. Il suf­fit dès lors de réduire cette frac­ture sociale et tout va s’arranger. La sit­u­a­tion va aller s’amélio­rant, le proces­sus d’in­té­gra­tion, mal­gré les dif­fi­cultés, va finir par tout résoudre.

Ils n’en démor­dent pas, l’im­mi­gra­tion est un phénomène à la fois inéluctable et prof­itable. Car, passé la péri­ode d’adap­ta­tion, toutes ces pop­u­la­tions vont se fon­dre dans notre peu­ple, comme l’ont fait autre­fois les Polon­ais, les Ital­iens ou les Espag­nols. Ne vous inquiétez pas, ne vous crispez pas, soyez ouverts, tolérants et accueil­lants, dis­ent-ils aux Français. Con­traire­ment à ce que cer­tains veu­lent vous faire croire, ce phénomène est béné­fique pour notre pays. Les pop­u­la­tions immi­grées com­pensent les nais­sances qui man­quent à notre peu­ple pour assur­er son avenir. Ce sont elles qui vont pay­er nos retraites, qui rem­pla­cent les enfants que nous n’avons pas, qui effectuent les travaux que nous ne voulons pas accom­plir. N’est-il pas extra­or­di­naire de voir ain­si notre société s’en­richir de cou­tumes et de modes de vie venus des qua­tre coins du monde ?

Peu importe qu’il y ait chez nous un chô­mage mas­sif, peu importe que le coût annuel de cette immi­gra­tion représente sans doute le mon­tant de l’im­pôt sur le revenu, peu importe que la coex­is­tence des cul­tures crée ten­sions et con­flits, il faut y insis­ter : tout va bien. Et peu importe que, dans le court terme, ce proces­sus soit surtout mar­qué par les ghet­tos urbains, la sur­délin­quance immi­grée, la clan­des­tinité, le chô­mage, le com­mu­nau­tarisme, la vio­lence et la drogue. Peu importe que beau­coup de « jeunes » met­tent les cités à feu et à sang et cri­ent leur haine de la France et de ses autorités. Car, nous répète-t-on, les pop­u­la­tions étrangères que nous accueil­lons chez nous s’in­tè­grent, elles vont s’in­té­gr­er, tout va ren­tr­er dans l’ordre.

Encore faut-il évidem­ment que les Français coopèrent, qu’ils fassent l’ef­fort de pay­er plus d’im­pôts pour financer les ban­lieues et aider les pop­u­la­tions immi­grées. Encore faut-il qu’ils acceptent que celles-ci béné­fi­cient d’a­van­tages et de droits supérieurs aux leurs selon le principe de la dis­crim­i­na­tion pos­i­tive qui existe déjà dans les faits et que cer­tains, tel M. Sarkozy, veu­lent main­tenant insti­tu­tion­nalis­er. Encore faut-il qu’ils aban­don­nent ce pen­chant xéno­phobe qui serait le leur, qu’ils cessent de se livr­er à ces odieuses dis­crim­i­na­tions et qu’ils pra­tiquent la tolérance et le partage.

Si cepen­dant nos com­pa­tri­otes ne se soumet­tent pas spon­tané­ment à cette atti­tude d’ac­cueil, s’ils se lais­sent aller à des com­porte­ments d’ex­clu­sion, il est, nous dit-on, légitime et néces­saire de les sanc­tion­ner très dure­ment. Mais, pour éviter d’en arriv­er là, il faut recourir à la péd­a­gogie, expli­quer sans relâche com­bi­en il est mal de ne pas aimer l’autre, com­bi­en nous devons éradi­quer en nous-mêmes et chez nos con­génères toute atti­tude de refus ou de rejet. Aus­si y a‑t-il lieu de mobilis­er tous les moyens de la société, école, médias, intel­lectuels, jus­tice, social, pour obtenir enfin des Français un com­porte­ment correct.

Pour peu que nos com­pa­tri­otes y met­tent du leur, les pop­u­la­tions immi­grées vont donc s’in­té­gr­er. Elles vont adhér­er aux valeurs fon­da­tri­ces de la république et tout se nor­malis­era. D’ailleurs, com­ment pour­raient-elles ne pas se fon­dre avec ent­hou­si­asme dans notre nation ? La France n’est-elle pas, depuis deux cents ans, la patrie des droits de l’homme ? Et dans ce creuset répub­li­cain, toutes les diver­sités, toutes les iden­tités vont se dis­soudre har­monieuse­ment. Suff­isam­ment en tout cas pour créer une com­mu­nauté unie et sol­idaire. Qu’on se ras­sure, nous assène-t-on comme une ren­gaine, l’in­té­gra­tion, ça marche !

Rien n’est plus faux : ce proces­sus a au con­traire lam­en­ta­ble­ment échoué comme cha­cun peut le con­stater. Les émeutes de novem­bre 2005 qui ont embrasé les cités partout à tra­vers la France sont d’ailleurs venues en apporter la démon­stra­tion spec­tac­u­laire et trag­ique. Pen­dant trois semaines, les « jeunes » des ban­lieues, presque tous beurs ou blacks, ont mis à feu et à sang leurs quartiers, brûlant, saccageant, attaquant tout ce qui pou­vait représen­ter à leurs yeux la société française. Voitures, écoles, gym­nas­es, entre­pris­es, bus, églis­es, tout y est passé dans une frénésie de vio­lence et de haine bar­bare qui ne respec­tait rien ni per­son­ne, pas même les per­son­nes âgées ou handicapées.

Cha­cun a pu s’apercevoir alors que ces « jeunes » étaient tout sauf inté­grés et que la pré­ten­due poli­tique de la Ville débouchait donc sur un échec total. Plus glob­ale­ment, c’est la poli­tique d’im­mi­gra­tion mas­sive et incon­trôlée, menée depuis des décen­nies par tous les gou­verne­ments suc­ces­sifs, qui s’est trou­vée bru­tale­ment mise en cause. Quant au dis­cours lénifi­ant sur la pos­si­bil­ité d’in­té­gr­er des pop­u­la­tions aus­si nom­breuses et aus­si dif­férentes, il a, d’un coup, per­du tout fonde­ment. La classe poli­tique s’est trou­vée vio­lem­ment désavouée par la réal­ité. Son idéolo­gie poli­tique­ment cor­recte s’est fra­cassée sur le mur des cités.

Par­mi tous les fac­teurs qui expliquent ce fias­co, l’is­lam est de loin le plus déter­mi­nant. L’in­té­gra­tion ne peut pas réus­sir avec l’is­lam, pas plus qu’un mix­er ne peut fonc­tion­ner avec du sable. Dès lors qu’une frac­tion majeure de la pop­u­la­tion immi­grée est musul­mane, tout le dis­cours sur l’in­té­gra­tion répub­li­caine s’ef­fon­dre. L’is­lam, en effet, n’est pas plus sol­u­ble dans la république qu’il ne se révèle com­pat­i­ble avec notre civil­i­sa­tion européenne et chrétienne.

En Europe, par exem­ple, l’homme est con­sid­éré comme un être libre et respon­s­able, comme une per­son­nal­ité à part entière, douée de libre arbi­tre. L’is­lam en revanche nie cette lib­erté et ne recon­naît de droits qu’à Allah. Car, comme son nom le sig­ni­fie en arabe, l’is­lam est soumis­sion. Et ce qui vaut pour la per­son­ne humaine en général est encore plus vrai pour la femme en par­ti­c­uli­er. Même lorsqu’elle ne dis­po­sait pas des mêmes droits poli­tiques que l’homme, la femme a tou­jours été con­sid­érée dans notre civil­i­sa­tion comme une per­son­nal­ité à part entière, le mariage, conçu comme l’u­nion exclu­sive d’un homme et d’une femme, en étant le signe le plus patent. Rien de tel dans le monde islamique qui, en autorisant la répu­di­a­tion, la polyg­a­mie et en accor­dant à l’homme le droit de bat­tre son épouse, quand ce n’est pas le droit sur elle de vie ou de mort, rejette la femme dans une sit­u­a­tion de soumis­sion, voire de servitude.

Com­ment, dans ces con­di­tions, peut-on espér­er une réelle inté­gra­tion des musul­mans ? Le men­songe ou la schiz­o­phrénie sont là poussés à l’ex­trême. On veut, d’un côté, assur­er la pro­mo­tion de la femme, réalis­er une par­ité absolue et lut­ter con­tre tous les com­porte­ments machistes. Et, de l’autre, on pré­tend qu’il n’y a aucun prob­lème pour inté­gr­er, au sein de notre société, des mil­lions de musul­mans qui rejet­tent formelle­ment cette perspective.

Autre obsta­cle majeur, l’is­lam n’établit pas de sépa­ra­tion entre le spir­ituel et le tem­porel. Or, cette dis­tinc­tion est inhérente à la con­cep­tion européenne du poli­tique. Que ce soit dans la Grèce antique ou dans la civil­i­sa­tion chré­ti­enne, avec le « Ren­dez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », les nations européennes ont, de tout temps, claire­ment dis­tin­gué le sacré du pro­fane. Une réal­ité qui se trou­ve encore plus affir­mée dans le monde d’au­jour­d’hui avec le principe de laïc­ité. A con­trario, l’is­lam con­stitue un bloc religieux, juridique et social dont rien n’est exclu. Cité de dieu et cité ter­restre s’y con­fondent. Il n’y a donc pas de dif­férence entre la loi divine et la loi civile, l’une et l’autre procé­dant de la charia. Une loi qui n’est pas seule­ment une pre­scrip­tion religieuse, mais qui con­cerne tous les aspects de la vie en société, depuis la morale jusqu’à l’ac­tion poli­tique, en pas­sant par la jus­tice et la vie sociale.

Les con­flits avec notre principe essen­tiel de laïc­ité sont donc inévita­bles. Et ceux qui croient que la loi sur le port du tchador à l’é­cole a défini­tive­ment réglé le prob­lème font preuve d’une grande naïveté. Les dif­fi­cultés resur­gis­sent ailleurs, à l’hôpi­tal, dans les piscines, au sein des admin­is­tra­tions ou des entre­pris­es et, plus tard, réap­pa­raitront dans les étab­lisse­ments sco­laires. Et, là, nous sommes placés devant un para­doxe total. On nous explique en effet que le sys­tème répub­li­cain, fondé notam­ment sur la laïc­ité, représente une for­mi­da­ble machine à inté­gr­er. Or, c’est pré­cisé­ment ce dis­posi­tif, pro­pre à notre république, que con­tes­tent et com­bat­tent les islamistes.

Il est vrai que, sur cette ques­tion, cer­tains de nos com­pa­tri­otes, sans doute aveuglés par la pro­pa­gande qui imprègne notre vie quo­ti­di­enne, se lais­sent enfer­mer dans d’in­sol­ubles con­tra­dic­tions. Il y a quelques années, par exem­ple, alors que les prob­lèmes soulevés par le port du tchador à l’é­cole com­mençaient à se mul­ti­pli­er, je m’é­tais ren­du à Flers, une petite ville de l’Ouest de la France, afin de soutenir des enseignants en grève pour le respect de la laïc­ité. Les syn­di­cats de l’É­d­u­ca­tion nationale étant plutôt ori­en­tés à gauche, je fus assez mal reçu. Mais une dis­cus­sion s’engagea.

« On ne veut pas de votre sou­tien, on ne partage pas vos posi­tions sur l’immigration.
— Mais ce n’est pas le prob­lème. Aujour­d’hui, je suis, comme vous, pour la laïc­ité à l’école.
— Oui mais nous, nous sommes pour l’in­té­gra­tion républicaine.
— Et ça marche com­ment cette intégration ?
— D’abord par la laïcité…
— Et s’ils n’en veu­lent pas ?
— Alors, ils doivent partir. »
L’en­seignant qui lâcha cette dernière répar­tie créa un malaise général. L’un de ses col­lègues pré­cisa, un peu gêné, qu’il s’agis­sait de par­tir de l’é­cole, en d’autres ter­mes d’être exclu de l’étab­lisse­ment. Mais, à l’év­i­dence, la com­plex­ité de la sit­u­a­tion venait de rat­trap­er ces grévistes de gauche qui décou­vraient, mal­gré eux, les incom­pat­i­bil­ités de fond entre le monde islamique et le nôtre.

On peut d’ailleurs élargir le pro­pos et s’in­ter­roger sur la capac­ité de l’is­lam à inté­gr­er le principe même de démoc­ra­tie. Car, dans la charia, les lois civiles, comme les lois religieuses, sont révélées et imposées par Allah et ne peu­vent donc être soumis­es au vote pop­u­laire. Com­ment ne pas voir, dans ces con­di­tions, qu’il y a là une source de con­flit majeur entre l’is­lam et la république ? D’au­tant que la doc­trine musul­mane est très claire à cet égard, comme l’ex­plique M. Hus­sein el-Kouatli, l’un des directeurs de l’In­sti­tu­tion sun­nite libanaise qui dif­fuse des fat­was, c’est-à-dire des avis juridiques. « Le vrai musul­man, affirme-t-il, ne peut pas assumer une atti­tude neu­tre vis-à-vis de l’É­tat. Ou le chef de l’É­tat est musul­man et la loi musul­mane, alors il sera en accord avec l’É­tat et le sou­tien­dra. Ou le chef de l’É­tat est un non musul­man et la loi non musul­mane, alors il rejet­tera l’É­tat, s’op­posera à lui et tra­vaillera à le détru­ire, pais­i­ble­ment ou vio­lem­ment, ouverte­ment ou secrète­ment. Cette posi­tion est logique parce que l’is­lam est un sys­tème com­plet et une atti­tude totalisante. »

En clair, l’is­lam est en con­tra­dic­tion avec notre mod­èle poli­tique, avec nos con­cepts philosophiques, comme avec les valeurs de notre civil­i­sa­tion. Que ce soient les ver­tus fon­da­men­tales du monde européen, telles qu’elles nous vien­nent de l’an­tiq­ui­té grecque et romaine, qu’il s’agisse des valeurs inhérentes au chris­tian­isme qui ont mar­qué notre monde pen­dant mille cinq cents ans, que ce soient les principes de la philoso­phie des Lumières qui ont tant pesé sur notre organ­i­sa­tion poli­tique depuis deux siè­cles, tout cela est incom­pat­i­ble avec l’is­lam et sa con­cep­tion théocra­tique. Lib­erté et respon­s­abil­ité indi­vidu­elle, amour de son prochain, démoc­ra­tie, droits de l’homme, laïc­ité, égal­ité entre les sex­es, autant de notions qui sépar­ent le monde islamique du nôtre.

D’ailleurs, mal­gré les oukas­es du poli­tique­ment cor­rect, cer­tains intel­lectuels, plus courageux que d’autres, n’ont pas pu s’empêcher de l’af­firmer. Claude Imbert, l’édi­to­ri­al­iste du Point, n’a-t-il pas déclaré : « Je suis islam­o­phobe » ? Et d’ex­pli­quer : « J’ai le droit, et je ne suis pas le seul dans ce pays, à penser que l’is­lam — je dis bien l’is­lam, je ne par­le même pas des islamistes — en tant que reli­gion apporte une débil­ité d’ar­chaïsmes divers. (1) » Michel Houelle­becq, lui aus­si, a tenu sur l’is­lam des pro­pos d’une grande lucid­ité et d’une rare vio­lence. Or, ni l’un ni l’autre ne sont con­nus pour leur extrémisme. Ce sont deux intel­lectuels qui cherchent seule­ment à faire émerg­er la vérité des abysses où la main­ti­en­nent les maîtres penseurs.

On peut certes me répon­dre et rétor­quer à Imbert ou à Houelle­becq que l’is­lam va se laï­cis­er, s’oc­ci­den­talis­er et se mod­erniser. Pourquoi les musul­mans présents en France ne s’adapteraient-ils pas à notre société, ne se pli­eraient-ils pas à nos cou­tumes ? Une telle évo­lu­tion serait en effet par­faite­ment vraisem­blable si nous avions affaire à une petite minorité adepte d’une reli­gion mar­ginale. Mais tel n’est pas le cas.

Les ten­ants de l’in­té­gra­tion sem­blent en effet ignor­er qu’ils n’ont pas en face d’eux une col­lec­tion d’in­di­vidus isolés qu’il suf­fi­rait de pass­er au moule répub­li­cain pour leur faire adopter nos mœurs. Ils sont en réal­ité con­fron­tés à une com­mu­nauté dont l’ef­fec­tif est con­sid­érable et dont les mem­bres sont liés par leur com­mune appar­te­nance à une grande reli­gion. Une reli­gion au demeu­rant sûre d’elle-même et en pleine expansion.

Com­ment ne le serait-elle pas ? L’is­lam est en effet un pro­duit médi­a­tique à la mode. On par­le de lui dans chaque jour­nal télévisé, on mul­ti­plie les émis­sions à son sujet, on organ­ise des débats, on écrit et on glose sur les musul­mans en France et dans le monde. Et l’in­tel­li­gentsia encour­age cette manie, car l’is­lam lui est indis­pens­able pour nour­rir son dis­cours poli­tique­ment cor­rect. La pen­sée unique est en effet struc­turée par l’idée cen­trale de la lutte con­tre les exclu­sions. Une démarche qui con­duit philosophique­ment à vouloir inté­gr­er au groupe que l’on con­stitue ceux qui n’en font pas naturelle­ment par­tie et, pour ce faire, à dén­i­gr­er ce que l’on est et à val­oris­er celui qui est différent.

Il s’ag­it, en quelque sorte, d’une idéolo­gie de l’autre. L’autre devient une obses­sion, il est mieux que soi, il faut lui don­ner la préémi­nence, l’idéalis­er, le sub­limer en s’anéan­tis­sant soi-même au pas­sage. Et, pour faire vivre cette idéolo­gie, il faut un « autre » con­cret, iden­ti­fi­able et proche. Or, dans ce sché­ma, le musul­man con­stitue l’autre idéal, car il est à la fois tout proche et très dif­férent. Aus­si est-il logique que l’in­tel­li­gentsia ait ain­si la fâcheuse habi­tude de dén­i­gr­er la France et de cul­pa­bilis­er les Français (nous n’avons pas oublié la « France moisie » de Philippe Sollers pas plus que « l’idéolo­gie française » de Bernard-Hen­ri Lévy), alors qu’elle cherche, en toute occa­sion, à val­oris­er l’is­lam et à faire le pané­gyrique des musulmans.

Com­ment, dans ces con­di­tions, la com­mu­nauté musul­mane ne serait-elle pas sûre d’elle ? Face à un monde européen rongé par le matéri­al­isme, délais­sant ses pro­pres valeurs, hon­teux de lui-même, l’is­lam peut s’af­firmer comme une réponse éthique, sociale et poli­tique à la fois forte et durable. En tout cas, l’is­lam, lui, n’est pas gag­né par le doute et n’a rien de déca­dent : il est fier de ses croy­ances, il offre des per­spec­tives spir­ituelles exigeantes et défend des règles morales strictes. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les con­ver­sions de Français de souche à la reli­gion islamique com­men­cent à se multiplier.

De plus, les musul­mans ne se recon­nais­sent pas de lien priv­ilégié avec le pays dont ils sont issus et encore moins avec celui qui les accueille. Car leur allégeance prin­ci­pale va à l’is­lam, c’est-à-dire à la com­mu­nauté des croy­ants. Lors de la pub­li­ca­tion des car­i­ca­tures de Mahomet par un jour­nal danois, les émeutes qui ont éclaté au Moyen-Ori­ent, en Afrique et en Asie ont bien mon­tré la force de cette sol­i­dar­ité islamique. Les musul­mans de France ne se sen­tent donc pas isolés face à la mécanique d’in­té­gra­tion répub­li­caine. Ils ont au con­traire le sen­ti­ment de faire par­tie d’une immense com­mu­nauté transna­tionale aux innom­brables ram­i­fi­ca­tions, une com­mu­nauté qui se trou­ve de sur­croît en pleine expansion.

Après une longue léthargie, l’is­lam con­naît en effet un regain de dynamisme un peu partout dans le monde. Sur le plan démo­graphique d’abord, son aire d’in­flu­ence est doré­na­vant la zone géo­graphique de loin la plus féconde. Sur le plan géopoli­tique, les ter­ri­toires occupés par les musul­mans sont passés, d’après Samuel Hunt­ing­ton, de deux mil­lions et demi de kilo­mètres car­rés en 1920 à quinze mil­lions de kilo­mètres car­rés en 1993. Sur le plan économique enfin, les pays islamiques jouis­sent glob­ale­ment d’une richesse crois­sante, avec le con­trôle d’une frac­tion impor­tante de la pro­duc­tion mon­di­ale de pétrole.

Les musul­mans présents dans notre pays, qui se comptent main­tenant par mil­lions, sont donc par­tie prenante d’une com­mu­nauté transna­tionale par­ti­c­ulière­ment forte et sol­idaire qui ne se réfère ni à nos cou­tumes ni à nos valeurs. D’ailleurs, l’ac­tu­al­ité nous en apporte régulière­ment la preuve. Com­ment expli­quer autrement que des ter­ror­istes islamiques puis­sent pos­er des bombes dans un pays dont ils ont la nation­al­ité et tuer sans état d’âme des cen­taines de civils cen­sés être leurs com­pa­tri­otes ? C’est pour­tant ce qui est advenu en Grande-Bre­tagne lors des atten­tats de Lon­dres en juil­let 2005, mais aus­si en France avec ceux du RER en 1985. Pour ces musul­mans, il n’y a d’al­légeance qu’à l’is­lam transna­tion­al et nulle­ment à la nation dont ils ont la carte d’identité.

Sans aller jusqu’à des com­porte­ments aus­si extrêmes, c’est aus­si cette réal­ité de fond qui explique la mon­tée de l’an­tisémitisme dans notre pays. Un anti­sémitisme musul­man qui résulte de l’im­por­ta­tion sur notre sol du con­flit israé­lo-pales­tinien et qui mon­tre que les musul­mans français se sen­tent infin­i­ment plus proches de leurs frères pales­tiniens que de leurs com­pa­tri­otes juifs !

Nous sommes donc loin du sché­ma idyllique et offi­ciel d’im­mi­grés qui s’as­sim­i­l­eraient grâce au mod­èle répub­li­cain pour devenir français comme tout un cha­cun. La France n’est nulle­ment en train d’in­té­gr­er les musul­mans à la façon dont elle a absorbé des généra­tions d’I­tal­iens, de Por­tu­gais ou de Polon­ais. En réal­ité, le sys­tème d’in­té­gra­tion ne fonc­tionne pas et c’est un proces­sus de com­mu­nau­tari­sa­tion qui se met en place progressivement.

Lorsque les musul­mans étaient encore peu nom­breux sur notre sol, il n’en allait pas ain­si. Les immi­grés venus tra­vailler en France il y a trente ans désir­aient réelle­ment s’in­té­gr­er à notre com­mu­nauté nationale. Mais leurs fils, même s’ils sont apparem­ment plus fran­cisés que leurs pères, ont sou­vent une tout autre approche. J’en ai eu le sen­ti­ment par­ti­c­ulière­ment aigu un soir de cam­pagne élec­torale, lorsque, faisant du porte-à-porte dans un quarti­er pavil­lon­naire de Vit­rolles, un vieil Arabe m’ou­vrit son por­tail et m’in­vi­ta à entr­er chez lui. La mai­son était de pro­por­tions mod­estes mais con­fort­able, l’homme était retraité d’Eu­ro­copter où il avait occupé pen­dant vingt ans le poste de gardien.

Avec son accent encore mar­qué, il m’ex­pli­qua com­bi­en il aimait la France et com­bi­en il lui était recon­nais­sant de ce qu’elle lui avait apporté. À côté de lui, son fils, un grand gail­lard au look mod­erne, s’ag­i­tait sur son siège : man­i­feste­ment, il n’ap­prou­vait pas les pro­pos de son père. Finale­ment, n’y ten­ant plus, il prit la parole avec une agres­siv­ité con­tenue : « Moi, je ne suis pas d’ac­cord, dans ce pays on ne nous aime pas, on ne fait rien pour nous. Et d’ailleurs, moi, je suis musul­man et la France elle sera à nous. » Sans doute est-ce là le pro­pos d’un jeune quelque peu exalté, mais il reflète hélas un aspect de la présence musul­mane en France dont per­son­ne ne peut aujour­d’hui nier la réalité.

Loin de vouloir s’in­té­gr­er, une par­tie de la com­mu­nauté islamique se place en effet dans une démarche con­quérante. Car, ne l’ou­blions pas, l’is­lam est par nature expan­sion­niste et vio­lent. Mahomet était lui-même un chef de guerre autant qu’un chef religieux et c’est par la guerre qu’il a com­mencé à impos­er sa reli­gion. La guerre sainte, le dji­had, se trou­ve d’ailleurs au cœur de la vision musul­mane du monde car la doc­trine islamique tra­di­tion­nelle définit claire­ment, à côté de la « demeure de l’is­lam » (Dar al-islam), la « demeure de la guerre » (Dar al-harb), qui désigne l’ensem­ble du monde non musul­man auquel il faut faire la guerre, qu’il faut con­quérir et convertir.

Voilà pourquoi nous ne sommes pas seule­ment con­fron­tés à l’in­ca­pac­ité des musul­mans de s’in­té­gr­er à notre peu­ple, mais aus­si à la volon­té de cer­tains d’en­tre eux d’is­lamiser notre nation. Car l’is­lam, qui ne dis­tingue pas le poli­tique du religieux, mène, au nom de la reli­gion, un pro­jet poli­tique offen­sif visant à met­tre en pra­tique le Coran sur notre sol dans toutes ses con­séquences publiques, cul­turelles et sociales.

Cer­tains musul­mans, sou­vent de nation­al­ité française, agis­sent délibéré­ment dans ce sens. Et s’ils ne font pas leur le poème cité, il y a quelques années, par M. Erdo­gan, le pre­mier min­istre turc, « les minarets sont nos baïon­nettes, les coupoles sont nos casques, les mosquées nos casernes et les croy­ants nos sol­dats », on pour­rait dire à leur sujet, en reprenant une com­para­i­son moins mil­i­taire, que leurs asso­ci­a­tions sont leurs par­tis, la charia leur pro­gramme, les mosquées leurs per­ma­nences et les fidèles leurs mil­i­tants. Quant à leur action, elle appa­raît bien comme poli­tique et utilise d’ailleurs la tech­nique de l’ag­it-prop chère aux révo­lu­tion­naires d’extrême-gauche.

On peut dès lors s’in­quiéter des pro­pos lénifi­ants de nos respon­s­ables poli­tiques et médi­a­tiques qui sem­blent ignor­er ces réal­ités et con­tin­u­ent à don­ner foi aux idées fauss­es qui sont les leurs. Com­ment cepen­dant peu­vent-ils ne pas être infor­més ? Un haut fonc­tion­naire, exerçant d’im­por­tantes respon­s­abil­ités au min­istère de l’In­térieur, me con­fi­ait récem­ment sous le sceau de la con­fi­dence : « Nous fonçons dans le mur. Cha­cun le sait, les émeutes l’ont prou­vé, mais per­son­ne ne veut tourn­er le volant ni appuy­er sur le frein. »
Peut-être exagère-t-il, peut-être n’est-il pas si tard. Il est vrai que cette démarche con­quérante des islamistes n’est pas le fait des musul­mans dans leur ensem­ble, elle con­cerne seule­ment de petits groupes en nom­bre lim­ité. Pour­tant, les islamistes, bien que minori­taires, peu­vent par­faite­ment mobilis­er demain les « jeunes » des ban­lieues et, au-delà, les mass­es musul­manes au ser­vice de leur projet.

En tout cas, rap­pelons-nous cette prévi­sion de Charles de Fou­cauld que per­son­ne ne peut accuser d’avoir man­qué d’ami­tié pour les peu­ples d’Afrique du Nord : « Des musul­mans peu­vent-ils être vrai­ment français ? Excep­tion­nelle­ment, oui. D’une manière générale, non. […] le musul­man regarde l’is­lam comme sa vraie patrie et les peu­ples non musul­mans comme des­tinés à être tôt ou tard sub­jugués par lui musul­man ou ses descen­dants. (2) »

Sans doute faudrait-il main­tenant accepter la réal­ité telle qu’elle est et admet­tre que l’in­té­gra­tion ne marche pas. Affirmer le con­traire, c’est présen­ter comme juste une idée fausse, c’est tromper les Français et pré­par­er des catastrophes.
Au nom de l’in­té­gra­tion, on dés­in­tè­gre notre pays. Le mix­er ne fonc­tionne pas avec du sable.

1. Claude Imbert, sur LCI, 24 octo­bre 2004.
2. Let­tre de Charles de Fou­cauld à René Bazin, Bul­letin catholique de presse, n° 5, oct. 1917.

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